C’est en forgeant qu’on devient forgeron, dit l’adage.
Sur le chantier de l’éco village, il y a eu quelques perturbations.
Des membres de l’équipe qui étaient mécontents sont partis. Mécontents pourquoi ? Parce qu’ils n’admettaient plus que les mamas qui cousaient les sacs et restaient toute la journée assises (5h, ils travaillent de 8 à 13h) touchent 2$ par jour comme eux. Ils estimaient qu’étant devenus en 3 mois des ingénieurs spécialistes des dômes, il fallait revoir leur condition.
Il a fallu expliquer de nouveau que c’était un projet communautaire, pas privé, que le « savon » qu’ils touchaient (2$/j) était un encouragement du Mwami et qu’il n’était pas question d’envisager une grille des salaires pour des journaliers comme des travailleurs d’une entreprise.
Devant le refus de l’encadrement, ils ont quitté l’équipe.
Il a fallu former d’autres personnes à l’art subtil de faire des cercles de sacs de terre à l’aide d’une ficelle.
Nous avons donc répété encore une fois les procédés à respecter pour construire un dôme suivant les normes.
Evidemment, les 4 ou 5 désignés pour continuer sur les dômes en remplacement de ceux partis, ont tous dit qu’ils avaient bien compris.
L’encadrement de PDIP a suivi l’évolution de ces constructions puis les a laissé se débrouiller seuls. Au bout d’une semaine, les dômes 4 et 5 avaient une drôle d’allure, qui tenait plus du cornet de glace que du dôme.
Finalement il s’est passé ce qui arrive lorsque les normes ne sont pas respectées : effondrement du dôme 5.
Ca a entrainé aussi l’effondrement de l’équipe qui cherchait des responsables en dehors de leurs erreurs.
Nous avons donc du répéter que la construction d’un dôme doit respecter des règles physiques très strictes. Vous répondez oui, mais ça vous passe au-dessus de la tête.
Vous avez devant vous les conséquences du non-respect de ces règles.
Pour le dôme 4, avec son allure de cornet de glace, PDIP ne prendra jamais la responsabilité d’y mettre des touristes.
Si vous voulez avoir une idée de la masse que cela représente, multipliez une moyenne de 50kg par sac, par 500 sacs et vous obtenez 25000kg, soit 25t. Se les prendre sur la tête pendant son sommeil serait fatal.
Avez-vous bien compris ? Oui !
Ok !
Le responsable de PDIP sur le terrain, Jef, a fait démonter le dôme 4.
Et on recommence.
Comme ici le fait de dire oui n’implique pas nécessairement qu’ils respecteront les consignes, il fallait se montrer vigilant.
Papa Jef devant se rendre à Bukavu, les travailleurs se sentaient moins sous pression, car le blanc que je suis leur a souvent répété que « je ne suis pas là pour donner des ordres car j’ai passé ma vie à en donner. Je ne donne que des conseils, à vous de les suivre ou non ».
Lassé de répéter les mêmes choses et d’entendre les mêmes réponses, j’ai opté pour une autre approche.
Je tourne entre la paillote dont on place les sticks transversaux, le dôme 4, le dôme 5 et la boutique qui se monte en sacs aussi.
Je rectifie surtout la boutique car c’est la première fois que nous faisons ce genre de construction et l’écroulement du dôme 5 sert de motivation.
Pour l’avancement des travaux des dômes 4 et 5, je me contente de regarder la ficelle témoin par terre et de noter sa position.
Je reviens ainsi plusieurs fois à intervalle de 15 à 20mn et je regarde la ficelle qui est toujours dans la même position, ce qui m’indique qu’ils ne l’ont pas utilisée.
Le lendemain je les laisse travailler une petite heure et je passe faire un contrôle. Ils ont déjà atteint le 1/3 de la hauteur. Je ramasse la ficelle et procède aux mesures, rang par rang ; au bout de 3 ou 4 erreurs je laisse tomber la ficelle et dis « j’en ai marre de répéter la même chose, ce dôme n’est pas conforme ».
Ah, mais alors qu’est ce qu’on fait ?
A vous de voir, continuer sur vos erreurs et prendre le risque d’un effondrement, ou tout refaire. Vous semblez aimer faire et défaire, alors tant que vous n’utiliserez pas la ficelle, sac par sac et rang par rang, eh bien vous recommencerez ; c’est en forgeant que l’on devient forgeron, alors forgez !
Et c’est reparti pour un tour.
Ils ont dû recommencer 4 à 5 fois, ce qui a beaucoup retardé l’avancement du site, mais les normes n’étant pas respectées, les conséquences sécuritaires sont trop importantes pour passer par-dessus.
Il y a fort à parier qu’une fois les dômes finis cette équipe se sentira encore plus ingénieurs que la première.
A quand la demande d’augmentation du « savon » ?